AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (121)

FILLONASSERIES ET MACRONADES

Fillonasserie : Se dit d’une combine para légale consistant, pour un élu, à convertir astucieusement l’argent du contribuable en source de profit privé, pour arrondir des « faims » de mois difficiles. Par exemple, pour un député : rémunérer sa propre épouse comme parlementaire, pour son apport en conseils politico-conjugaux, le soir sur l’oreiller (5000€ par mois). Ou encore, obtenir pour celle-ci, qui n’a jamais rien publié, un poste d’éminente conseillère éditoriale (100000€ en 20 mois) dans une Revue que possède un ami milliardaire, dont il a favorisé l’obtention d’une médaille. Ou encore, se créer une Société de Conseils en tous genres, juste avant d’être élu député, pour ensuite pratiquer un « consulting » grassement rémunéré, par des hommes d’affaires intéressés à ce qu’il devienne bientôt un élu influent. La fillonasserie, pratique subtile qui démultiplie les gains des gens honnêtes, est ainsi une forme de « revenu universel » avant la lettre. Elle met ipso facto le politicien nécessiteux, ministre ou non, à l’abri du besoin. Il paraît que certains dossiers, établis par Le Canard enchaîné sur la conduite de François Fillon, illustreraient ces pratiques. Ce qui reste évidemment à démontrer…

Macronade : Formule habile d’un candidat en campagne, destinée à flatter un segment potentiel de son électorat, préalablement découpé et défini par son « Dir de Com. ». Ce type de déclaration, toujours parfaitement adaptée à son public, peut se trouver en contradiction avec ce que dit le présidentiable à d’autres publics. Mais l’actualité médiatique change si vite que l’électeur moyen oublie et continuer de faire confiance. Exemples : pour complaire à la gauche radicale, le turbulent Macron dénonce la colonisation comme « crime contre l’humanité » ; il n’y était pas, mais c’est une certitude pour lui. Puis, emporté par le débat suscité, rassure aussitôt les « pieds noirs » et harkis, qui se sentaient traités en bourreaux, en leur jurant sa compassion, victimes qu’ils sont eux aussi des caprices de l’Histoire (Je vous ai compris, je vous aime !). Ou encore : à l’attention de telle catégorie un peu particulière, il affirme hautement que « la communauté homosexuelle » trouvera toujours en lui un défenseur fervent ; mais simultanément, il fait état de sa grande pitié envers les « humiliés » de la « Manif pour tous », dont il comprend le trouble. Bien entendu, cette façon caméléonesque de se faire l’écho et l’image de tout un chacun (le peuple étant réduit à un agrégat de segments sociologiques) ne va pas sans contradictions verbales ou naïves maladresses. L’une des premières « macronades » du Ministre, allant au « contact » du monde ouvrier, avait consisté, on s’en souvient, à déclarer à des chômeurs (ou à leurs représentants) : « Si vous voulez vous acheter un costar, il faut travailler. » Que ne s’est-il alors inscrit à un cours de rattrapage (par correspondance) sur la meilleure façon d’approcher le peuple tel qu’il est ! Parmi d’autres errements, nous citerons l’une de ses péremptoires déclarations, à Lyon, le 5 février dernier : « Il n'y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse. » Je vais y revenir.

*

Mais avant de commenter cette formule proprement insensée, j’ouvre ici une parenthèse, et précise que je ne prétends nullement détenir la vérité sur ces deux inquiétants personnages. Je ne livre à ma grande honte que des impressions subjectives. Moyennant quoi, je ne cacherai pas ma double conviction que voici :

Si le sieur Fillon avait la moindre conscience de l’immoralité foncière de ses sources de revenus*, plutôt que de dénoncer le « coup d’État institutionnel »( !) de ceux qui ont révélé ses combines, il ferait illico vœu de pauvreté et revêtirait l’habit de moine dans quelque abbaye médiévale, non loin de son château, pour s’y mettre enfin au service de ses frères humains. Je l’imagine alors volontiers sonnant les mâtines pour saluer l’aurore, en parfait moinillon fier de son devenir spirituel. À coup sûr, il connaîtrait la joie !

Et si le sieur Macron, visité par la grâce, avait soudain la révélation de la folle présomption de son rêve présidentiel, il prendrait aussitôt le chemin de l’usine, tel un prêtre ouvrier, tout heureux de bénéficier enfin d’un travail solidaire, en compagnie de camarades syndiqués, de sorte qu’il pleurerait de joie chaque soir, sur le sein de Brigitte, en songeant qu’il est enfin parvenu à gagner sa vie à la sueur de son front, comme tout homme digne de ce nom.

Mais revenons à la culture…

*

Qu’est-ce donc que la culture française, cher Monsieur Macron, qui en jugez si vite ?

À vous croire, la France ne serait qu’un agrégat multiculturel de groupes plus ou moins différents, baragouinant vaguement une langue qu’on disait autrefois maternelle, sans référence aux siècles qui l’ont peu à peu constituée, au passé vivant, en elle, des racines dont elle est le fruit.

Bravo Micron, bravo Macron ! En deux mots péremptoires (il n’y a pas, il y a) vous avez comblé de joie tous ceux, dont je suis, qui ont consacré leur existence à transmettre, aux frais de l’État, ce qu’ils imaginaient être une « culture » fondée sur une langue, historiquement devenue française, avec son génie propre, sa « francité », ses valeurs, tout ce qui nous faisait croire qu’il était bon que la France soit quelque peu fière de ce qu’elle est, et qu’il était bon que nous le révélions à ceux, venus de toutes parts, qui désiraient se connaître et se reconnaître à travers elle.

Sitôt votre formule lâchée, pour complaire à un auditoire inculte traversé de l’illusion mondialiste, un député – dont le bord politique m’est étranger – a réagi dans des termes à laquelle on ne peut que souscrire : « Quand nous affirmons, qu'il y a une culture française ce n'est pas parce que nous prétendons qu'elle est supérieure aux autres, c'est parce que nous savons qu'être Français c'est partager une culture commune, une langue bien spécifique et l'esprit de la République. Affirmer l'existence d'une culture française c'est concevoir la culture comme un bien commun. […]Dire qu'il n'y a pas de culture française c'est ramener la France à une société sans personnalité, consommatrice de produits culturels mondialisés. […] S’il n'y a pas de culture française, il n'y a alors pas non plus d'exception culturelle française, ce qui sous-entend une inquiétante soumission aux normes anglo-saxonnes. » (Yves Jégo, Le Figaro, 6-02-2017)

Absolument ! Car la culture française n’est pas un vernis interchangeable dont on se revêt plus ou moins. Elle n’est pas un produit voué à l’obsolescence programmée. Notre passé culturel n’est pas cimetière, il est racine (encore que les cimetières mêmes demeurent de vivants patrimoines spirituels).

Pour chacun comme pour tous, la culture est constitutive de notre être, la structure même, le soubassement collectif de notre conscience personnelle.

Elle est notre nature seconde, qu’il faut par conséquent transmettre aux générations qui nous suivent, pour leur permettre de se reconnaître en elle. Elle est cette vision du monde, cette conscience de notre humanité, qui irrigue sa langue autant que celle-ci la réfracte en nous même (c’est cela, le « génie » de la langue). Elle est l’expression, patiemment élaborée, de ce qu’on nomme aussi notre « civilisation », qui n’est ni morte ni mortelle. En tant que telle, elle est pétrie d’un humanisme d’inspiration spirituelle où les Lumières de la République s’allient, historiquement, à la double tradition judéo-chrétienne et gréco-latine.

Dire « il n’y a pas de culture française », ce serait nier notre civilisation même.

Je suis, nous sommes, ce que notre culture a fait de nous. Un Bien que nous partageons en Commun. Je suis Camus et la Bruyère, Malraux et Pascal, Hugo et Racine, Rousseau et Maupassant, Bernanos et Molière, et tous les autres que je ne puis nommer. Molière et Bernanos, cela vous étonne ? Ce sont eux qui, l’un comme l’autre, m’ont appris à détecter et dénoncer les impostures, à tendre vers la vérité.

Quand je proclame « je suis », c’est bien entendu « nous sommes ». J’ai toujours été, et demeure encore, entouré d’amis qui me sont chers et ont tous, chacun à sa façon, consacré leur existence à redécouvrir, approfondir et transmettre cette « culture française » plus que jamais nécessaire, parmi lesquels : Luc D., Colas R. (décédé), Jacques P., Renée B., Jacques Ch. (décédé), Didier M., Madeleine B, Paul D. (décédé), Christine G., Marc B., Paul L., Pierre B., Omür P. (décédé), Françoise V., Yves J., Inès C., Yvan G., François M., et j’en passe. Tous, nous déplorons les menées de la Bêtise et de la Barbarie actuelles qui, prétendument postmodernes, ne songent qu’à priver les générations émergentes de ce trésor immense de Conscience humaine que représentent notre culture et notre langue.

Car nous sommes la culture française qui, émergeant de l’Histoire, n’a cessé de faire barrage à la barbarie renaissante, même si celle-ci l’a parfois, hélas, emporté !

Et nous sommes pareillement fiers et fervents défenseurs de la République française, elle aussi fruit d’une lente et longue élaboration humaine, qui, dépassant les dérives de la Révolution et ses vertiges toujours menaçants, a osé proclamer à la face du monde la devise la plus forte capable de s’élever contre toutes les barbaries de la « realpolitik » : Liberté, Égalité, Fraternité.

Est-ce qu’on se rend bien compte de la puissance spirituelle de ces trois valeurs, à ne jamais séparer l’une de l’autre ? La Liberté vraie, celle qui permet d’exister sans asservir autrui (notamment par le pouvoir de l’argent). Et l’Égalité, la Justice, qui donne au « moindre » être humain la même valeur, unique, qu’à tout autre, sans pour autant les réduire à des copies conformes de masses normalisées. Et pour couronner ces deux valeurs, la Fraternité, qui dépasse de loin la seule solidarité des intérêts bien compris, qui demande à pratiquer la Vertu civique – seule capable de faire sortir chacun de la bulle de son ego, et qui, en dernier recours, impose la prééminence de la personne sur le culte du collectif (toujours menacé de dérive totalitaire).


C’est cela, la Culture française : notre vivante communauté des lettres, la République elle-même nourrie de son expérience de l’Histoire, la civilisation enfin d’une nation millénaire aux sources multiples, — cette Réalité prestigieuse que nous envient bien des peuples et des citoyens du monde.

Et cela, n’existerait pas ?

Je crois entendre Bernanos s’écrier : « Imbécile Macron, qui ignore que le meilleur de toi-même, c’est encore ce que cette culture a fait advenir en toi ! »**

Le Songeur  (23-02-2017)


* À en juger par l’électorat qui, niant l’évidence, continue de soutenir son chevalier intègre, tout porte à croire que la fillonasserie est contagieuse. Comme si ce héraut pris la main dans le sac, mais jurant de son innocence, allait pouvoir mener à bien des réformes imposant aux français des sacrifices dans leur Bien ?

** À quoi l’on se permettra d’ajouter : « Mais que t’a donc transmis ta prof de français ? »



(Jeudi du Songeur suivant (122) : « DES TRUCS POUR MOINS SOUFFRIR » )

(Jeudi du Songeur précédent (120) : « DU DÉSIR D’ÊTRE PAPE » )