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Être « poète », mais sans y croire…

À la question de Jean Clouzet : « Que vous manque-t-il pour devenir poète ? », Jacques Brel répondait : « Y croire. »

J’aime beaucoup cette réponse, pointant la « posture poète » qui rend si souvent insupportables les rimailleurs de profession. Brel n’avait justement pas à « se prendre pour » : il avait tissé avec ses mots un univers authentiquement poétique, cet univers dont, avec mon ami Paul Lidsky, j’ai exploré la nature et la cohérence (L’Univers poétique de J. Brel, l’Harmattan, 1998).

En ce qui me concerne, indépendamment des quelques pages « poétiques » que l’on peut trouver dans mes récits, il m’est arrivé d’écrire des poèmes. Mais des poèmes justement sans prétention, des poèmes « de circonstance » : c’est-à-dire sans autre prétention que de fixer la circonstance d’une émotion, d’une image, d’une inflexion musicale. Ce qui n’empêche pas qu’une œuvre de circonstance tente toujours de soustraire cette « circonstance » à la mort de l’instant : elle la dé-circonstancialise pour l’éterniser !

Si je joue quelquefois de la rime, c’est d’ailleurs sans préjugé esthétique : je puis reproduire des formes classiques (le sonnet) aussi bien que m’adonner à des formes académiques, sans souci d’originalité. Il me suffit de suivre la pente d’un texte qui me vient à l’esprit, aussi court que possible. Mon idéal poétique, si j’avais à le définir, serait de n’écrire que des sortes de « préludes » versifiés, à l’image des « Préludes » de Chopin, et plus particulièrement du n°7 : quelques mesures qui esquissent un monde, et que le rêve advienne !

Par exemple, j’ai un jour été saisi par cet arrêt sur image, que j’ai voulu partager :

Les sapins tranquilles.
Ô monde immaculé !
On entend des trilles…
L’enfant est consolé.

C’est une petite chose, et il faut savoir en rester là. En voici une autre :

Dans le frisson du peuplier
J’entends le bruissement d’une vague lointaine ;
L’eau verte berce le rocher
Ourlant d’un friselis la côte armoricaine…

Exceptionnellement, je dépasse la vingtaine de vers, comme dans la « Complainte de l’Arbre migrateur ». Voir sur mon blog la complainte de l'arbre migrateur.

Mais je préfère aller au plus court, qu’il s’agisse d’une tristesse passagère :

La maison de Beaugies

Parfois, au fil des heures de la nuit
Je m’ennuie.
Alors, je crie très fort dans la maison
Ton prénom !
Et l’écho de ma voix dans la demeure
Se meurt, se meurt, se meurt…



Ou bien encore, d’une grivoise humeur de conjugalophobie :

Dans le bocal aigre
De notre amour con,
Elle était mon vinaigre,
Et moi, son cornichon.

À nouveau, restons-en là !