AFBH-Éditions de Beaugies 
AFBH

Feuilleton de l'été : le Cérébro-scripteur

— Épisode 1 —

Comment un texte ordurier crée un malentendu entre
Jika et Jean-Pascal, deux époux qui s’aiment…

L’ingénieur Jean-Pascal Félix avait une épouse d’exception : elle se levait tôt. Et parfois même, lui apportait le petit déjeuner au lit. « — Oh, ma Jika, murmurait-il radieux, tu es le soleil de ma vie ! ».

Ce ne fut, hélas ! pas le cas, ce dimanche matin, lorsque Jika fit irruption dans la chambre conjugale, ouvrant la porte avec une brutalité telle qu’on eût cru qu’elle la claquait :

— Qu’est-ce que c’est que ça ? s’écria-t-elle, en brandissant une feuille de papier à moitié chiffonnée.

— Quoi, ça ? fit-il, émergeant des profondeurs nocturnes, son oreiller sur la tête.

— Moi qui t’attendais hier soir, jusqu’à minuit passé, c’est donc à cela que tu t’amusais sur ton ordi ?

— Quoi, cela ? Tu fouilles dans mes recherches ?

— Elles ont bon dos, tes recherches ? Tu ne fermes ni ton ordinateur resté branché, ni ton imprimante qui chauffe, et qu’est-ce que je lis sur ta dernière page imprimée ? Un texte ordurier, une bouillie de mots, un magma incompréhensible, d’où il ressort que tu projettes d’ « enculer le directeur », je cite, et de « crever les pneus du comptable » !

— Quoi ?

— C’est un poème, peut-être ?

— Non, mais… tu es folle !

— Ah oui ? Et je ne parle pas de ce désir que je découvre, énoncé noir sur blanc : baiser la Secrétaire !

— Moi ?

— Oui, toi ! Et moi, moi l’idiote qui, pendant ce temps, tombais de sommeil à force de t’attendre ! Voilà ce que j’en fais, de tes travaux « informatiques » !

Et déchirant la page dont elle jetait les morceaux à terre, elle tourna les talons, plantant là son mari ébahi.

Jean-Pascal Félix, incrédule, entendit sur le palier décroître les pas de son épouse, auxquels se mêlaient des sanglots étouffés. Selon toute apparence, pensa-t-il, une explication s’imposait.

Que s’était-il réellement passé ?


Il se leva, abasourdi, titubant. S’accroupit sur le tapis. Ramassa les bouts de papier épars, dont certains se mêlaient aux moutons sous le lit. Puis tenta d’en reconstituer le puzzle.

Il n’avait pas souvenir d’avoir laissé l’imprimante allumée, ni le système en marche. Il s’assit, rassembla les morceaux de la page déchirée, osa lire… Il s’agissait bien d’un magma d’expressions mal orthographiées, d’où ressortaient des mots faisant sens. Il fit la grimace en découvrant les locutions citées par Jika, et d’autres plus ordurières encore. Il y avait également, ici ou là, des termes ponctuant le délire verbal du locuteur comme « voyons, voyons », ou « j’y suis », ou « Euréka ! », « non, pas ça, mais plutôt », etc.

Incompréhensible ! Il s’agissait probablement d’un piratage venu du Web. Resté en ligne, l’ordinateur avait dû être visité par des pornographes. Jika était trop jalouse pour y avoir pensé. Il jugea urgent de rassurer sa fidèle épouse incomparable.

C’est alors qu’en un flash, la mémoire lui revint. Il se rappela qu’en se couchant, pour ne pas réveiller sa douce Jika, il avait placé sous son oreiller l’appareil secret – sa très précieuse invention – dont il ne se séparait jamais. Il vérifia. C’était bien cela : l’objet discret, oblong et plat, semblable à ce qu’on appelait alors une « clef USB », était encore bien là, luisant d’une lueur bleutée…

Un large sourire éclaira la face pensante de l’ingénieur Félix :

— ÇA MARCHE ! s’écria-t-il.


Il courut sur le palier, descendit en pyjama :

— Jika, Jika, appelait-il ! Jika, ce n’est qu’un malentendu, je vais t’expliquer, viens que je t’explique, où es-tu ?

© Éditions de Beaugies, juillet 2014


( épisode 4 )


Commandez dès maintenant ce livre, qui est paru le 29 septembre 2014.