AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (134)

LES ANIMAUX MALADES DU CLIMAT

Un mal qui empeste les airs

Plus blessant qu’un galop de fers

Plus pervers, plus subtil que tout autre poison,

Capable en cinquante ans d’anéantir la Terre

L’Infâme Cé-O-Deux, car tel était son nom,

Faisait aux Animaux la guerre.

S’ils n’en mouraient pas tous, chacun le respirait.

Le masque à gaz, grimé en croix, devint sacré.

Quelle que fût l’ardeur des pulsions printanières

Les bêtes n’osaient plus se flairer la crinière,

Ni les hérissons s’enlacer,

Ni les pigeons se becqueter…

Intervention du Poète :

Oups ! Soucier de versifier ma fable, je comprends soudain que je n’aurai pas le temps de l’achever pour jeudi. Ni même le loisir de la conter en prose ! Je ne puis que vous en livrer les éléments du synopsis. À vous donc de les mettre en forme narrative ou poétique, au gré des variantes que votre Muse vous inspirera… Merci de votre aide. ]

• Inquiète de ces désordres, et de l’inconscience des engeances terrestres, l’Organisation Mondiale des Chiens (OMC) décrète l’urgence d’une Conférence au sommet, pour à la fois démasquer les coupables et explorer la question de fond : « Comment rendre ce monde plus canin ? » (certains ayant cru comprendre : « plus câlin »).

Il faut savoir qu’en ce Trentième siècle, après l’extinction des humains, l’espèce canine fait autorité sur le globe. Elle est en effet la plus haute Instance de la Communauté mondiale, chargée de promouvoir et faire respecter la Déclaration des Droits et Devoirs des Animaux Planétaires.

L’enjeu est de taille : il faut à la fois punir et éduquer, obtenir l’assentiment de toutes les meutes animales et, last but non least, réguler leurs conduites dans un univers où règne encore la loi de la jungle, et notamment de la jungle dite « des affaires ».

• Certes, l’esprit des débats n’est pas d’imposer des solutions drastiques : les prédateurs pourront encore mordre, pour peu qu’ils mordent selon les règles, c’est-à-dire, par exemple, en ne laissant pas pourrir les charognes qui empoisonnent l’environnement.

Certes, la plupart des espèces sont acquises à l’idée qu’il vaut mieux, pour ménager l’avenir du monde, prôner la caresse que la muselière.

Mais il semble difficile d’échapper à une sorte de procès public de tous contre tous. Il y en a assez des rivalités secrètes entre Meutes qui se déclarent plus pacifistes les uns que les autres. L’OMC en particulier, est en butte à l’hostilité de l’Académie des Singes, lesquels, se moquant des Canidés qui veulent rendre la planète plus canine, s’efforcent de rendre le monde plus simiesque, avec, semble-t-il, une certaine réussite.

Entre ces deux Cultures, si soucieuses soient-elles de la survie de l’Astre bleu, le conflit est inévitable.

• Une sorte de grand Jugement mondial se déroule alors dans un espace géographique tempéré, aménagé de telle sorte que toute race puisse y participer sans danger (l’OMS y veille). Par précaution, n’y sont invités qu’un cercle d’animaux hautement représentatifs des principales espèces vivantes, — celles-ci ayant été au préalable regroupées en douze groupes majeurs, dont les délégués sont nommés les Grands de ce monde (G12).

Autour de la table ovale, on reconnaît aisément les ambassadeurs respectifs des Simiesques et des Canines, les plus loquaces, mais aussi des Félines, des Chevalines, des Ruminantes, des Oursines, des Porcines, des Gallinacées, des Ailées, des Dauphines et des Requines (celles-ci dans leurs fauteuils aquatiques). Sans oublier bien sûr les Léonines qui, secrètement, font aussi défendre leurs intérêts par les Félines…

• L’heure des Confessions-Accusations de la totalité des peuples de la Terre sonne enfin. Chaque avocat plaide sa cause en incriminant les torts de son voisin le plus faible. C’est la partie la plus brillante, quoique un peu longuette, du débat. On s’amuse d’y voir les hérauts des espèces les plus violemment polluantes s’accorder entre eux pour grossir les péchés des moins dévastatrices. Les pauvres Ruminantes passent un fort mauvais quart d’heure, accusées qu’elles sont par les Félines de lâcher dans les airs, suite à leurs digestions sans fin, des vesses de méthane assassinant le climat. Mais les Simiesques les disculpent aussitôt. Nos frères et sœurs herbivores, clament-ils, ont une moindre empreinte écologique que les Canines digitigrades, lesquelles ruinent l’économie planétaire en y prônant partout leur fameux modèle unidimensionnel : « la société de carnivoration ».

• Très vite, on pressent que la discussion va être aussi interminable que stérile. On n’ose trop approfondir du Tigre ni de l’Ours, ni des autres puissances, les moins pardonnables offenses à l’environnement. Toutes les races agressives, jusqu’aux simples mâtins, au dire de chacun, passent pour petites saintes. L’Académie des Singes, qui se flatte d’avoir tout prévu, propose d’organiser un système de quotas restrictifs limitant, sous peine d’amende, les « droits au dérèglement climatique » (DDC) des diverses espèces reconnues. Des Bourses de « droits » seraient organisées, qui…

• C’est alors qu’intervient avec un aplomb redoutable l’OMC, dont l’émissaire n’a pas supporté le soutien des Simiesques aux Ruminantes. Celui-ci accuse l’Académie des Singes, documents à l’appui, d’avoir secrètement sauvé et laissé croître un petit groupe de rescapés de l’une de ses branches zoologiques : des hominidés ! Des créatures susceptibles de penser (croient-elles), de parler (si l’on prend leurs grognements pour du langage), et surtout, de faire du feu (avec tous les périls que l’on sait). Furieux, le grand Ambassadeur Simiesque ouvre aussitôt la bouche, pour démentir l’accusation, mais…

• Mais voilà que se produit un véritable coup de théâtre ! Le grand Chef Canin fait entrer dans le Tribunal, sous les huées de la foule, l’un des hominidés en question. « Voici le prétendu Homo sapiens », ricane-t-il. Une bête qu’il a fait capturer, surprise en flagrant délit de frotter deux silex l’un contre l’autre. On interroge sans pitié l’animal enchaîné. Si bien que celui-ci, honteux et confus, avoue son forfait en un dialecte simiesque baragouiné. Oui, il a eu froid. Oui, il allait brûler deux ou trois bouts de bois pour se réchauffer ! Oui, il demande grâce…

À ces mots, on crie haro sur le « sapiens », ce galeux, ce pelé, cet incendiaire insensé, prêt à faire de la Terre une fournaise d’Enfer. L’ire de la communauté mondiale atteint son paroxysme. Il faut faire un exemple ! Le Porcin lettré prouve par sa harangue qu’il faut éradiquer du globe, jusqu’à la fin des temps, ce criminel et ses semblables !

On le leur fera bien voir.

Conclusion du Narrateur ]

C’est ainsi que la potence échut à l’homme

Ce qui était bien mérité, en somme.

Le Songeur  (25-05-2017)


Appel à Rédaction : Tout lecteur désireux de finaliser en style poétique cette histoire inaboutie pourra, selon l’appréciation de notre jury, se voir gracieusement récompensé d’un livre de son choix paru aux Éditions de Beaugies, dédicacé par François Brune.


(Jeudi du Songeur suivant (135) : « LE CHEVALIER RECONNU… » )

(Jeudi du Songeur précédent (133) : « RENAÎTRE ? » )