AFBH-Éditions de Beaugies 
AFBH

Les Jeudis du Songeur (4)

NOUS SOMMES TOUS DES « BOSONS DE HIGGS »

Je songe au fameux « boson de Higgs », dont la réalité fut établie en 2013, avec à la clef la « nobellisation » de ses découvreurs. Je ne comprenais pas bien de quoi il était question, lorsqu’un lumineux article (du Figaro ou du Monde, je ne sais plus) m’en a définitivement instruit. L’auteur était l’un de ces rares esprits capables d’exprimer en termes simples ce qui est élémentaire.


Voici en effet ce qui se passe dans l’infiniment petit, encore nommé vide quantique.

Le vide quantique, contrairement à ce que chacun croit, n’est pas un espace vide. Il recèle une matière « fatiguée », constituées de particules réelles/virtuelles quasi indétectables, notamment à l’œil nu. Elles sont bien « présentes », précise le journaliste, mais n’ont plus assez d’énergie pour « exister ». Tout le travail du cyclotron de Genève consiste donc à les faire revenir à l’existence en les bombardant de l’énergie dont ils ont besoin, issue de collisions phénoménales à partir d’autres particules de haute énergie.


C’est ainsi qu’on a réveillé le fameux « boson de Higgs », et fait la preuve de son existence. Il était fatigué, sans doute après avoir formidablement contribué à l’émergence de la matière, lors du Big Bang. Mais il était resté présent. Le professeur Higgs l’avait senti : quoique introuvable, le boson ne pouvait pas ne pas être là ! Il fallait le secouer, l’agiter, le booster, le chasser au fil d’une formidable course-poursuite dans les tunnels infernaux du cyclotron de Genève… et c’est ainsi que l’animal put renaître de ses cendres, si infinitésimale que fut sa nouvelle durée de vie.


Or, fin 2013, au moment même où la planète comprenait enfin qu’une particule élémentaire pouvait à la fois être présente et ne pas exister, j’achevais moi-même – modeste auteur – un livre dont le héros n’est pas sans ressemblance avec le boson de Higgs. Son histoire débute en effet par ces mots : Benjamin rêve qu’il existe, il irait à Paris pour s’inscrire. Ainsi, mon personnage, quoique suffisamment présent pour penser, rêve désespérément – lui aussi – d’exister. Mais où peut-il trouver l’énergie substantielle qui lui manque ? Eh bien, dans les 25 ans de rêverie littéraire et de travail assidu que je lui ai consacré, sans parler de l’apport énergétique des lecteurs qui, seuls, ont le pouvoir de transformer un personnage virtuel en héros objectif de l’imaginaire humain.


Mais au fond, n’est-ce pas ce qui arrive à tout individu dont la naissance, qui signe sa présence au monde, ne saurait suffire à le faire exister pleinement dans la vie ? Et quelle débauche d’énergie ne faut-il pas conférer à chaque être, depuis sa tendre enfance jusqu’à sa maturité effective, pour l’extraire de sa fatigue originelle et le faire tenir debout dans l’existence !

Nous sommes tous des bosons de Higgs.

Le Songeur  (13-02-14)



(Suite de la rêverie sur le boson : « RE-CRÉATION »)

(Jeudi du Songeur suivant (5) : « ÉROTISME ET RECHERCHE »)

(Jeudi du Songeur précédent (3) : « COMPRENDRE »)