AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (249)

LA SURPRISE

Tu connais la nouvelle ? Je viens tout juste de l’apprendre :

Un jour fort proche, nous allons renaître !

Jusqu’alors, tout était mieux avant :

Maintenant, tout sera mieux qu’avant…

On pourra tout revivre, tout repenser, tout comprendre !

La vieillesse elle-même vaudra d’être revécue

Recueillant les ferveurs de sa prime jeunesse

Pimentés de quelques grains de sagesse…

Bach sera toujours nouveau

Et même encore plus beau,

Chopin plus que jamais poignant,

Et Beethoven enthousiasmant…

Nous revivrons nos amours qui n’auront pas flétri

On ne reniera plus nos rêves de l’enfance,

Tout ce qui prendra vie restera pour de vrai

Et nul n’ayant plus

La nostalgie du Paradis perdu,

On aura l’impression de l’avoir retrouvé !

Nous écrirons, lirons, songerons, admirerons

Nous serons habités de la beauté des choses

Que les artistes s’ingénient à reproduire et sublimer.

Les humbles de la Terre, qui font la bonté du monde,

N’auront plus chaque jour sur la machine ronde

À se fondre en sueurs pour irriguer les champs :

Le Cosmos aura éradiqué la souffrance des gens !

Partout la Vie sera Essor,

Sans avoir nul besoin de se nourrir des morts !

La moindre pensée, un simple instant, rien qu’un matin

Seront à chaque fois de vertes aventures !

Les histoires que nous aimions tant nous voir racontées

Ne pourront plus avoir de tristes fins…

Rien ne finira plus dans la Nature !

Les hommes veilleront à ce que

Parmi eux

Personne ne puisse être à jamais séparé…

La Nuit ne sera plus la mort du Jour,

Les soirs resplendiront autant que des aurores !

Les douceurs de l’été à peine monotone

Nous feront désirer les couleurs de l’automne

Et les divers humains se rassemblant aux bords

Des plus fraîches fontaines

Refusant de sombrer dans la mémoire des haines

N’aspireront plus qu’à l’Amour !

En chœur ils chanteront l’appel de la Beauté

Ignorant pour toujours

Le sens du verbe déchanter !

Finies les injustices, finies les guerres,

Finies les récriminations des âges dépassés,

Finie la Cruauté !

On aimera par-dessus tout la Vérité.

La mode sera continûment à l’Innocence,

Et, dans le moindre échange, à la Décence.

Les hommes de pouvoir, frisant l’humilité,

Auront pour la plupart fait vœu de pauvreté.

Les féministes elles-mêmes, enfin calmées,

Seront redevenues si belles

Qu’on ne pourra plus croire qu’elles

Eussent pu autrefois se sentir mal aimées…

Aux plus Petits qui veulent tout comprendre,

Tout apprendre,

Il sera simplement dit que, désormais maintenant,

Les adultes, enfin, étaient devenus grands

Que la Politique, finissant par lasser,

Avait dû pour toujours s’effacer

Faisant place à la Poétique !

Si bien qu’au bout du compte

Ou du conte

L’angoisse n’ayant plus lieu de terrifier la Terre,

Dieu lui-même, fuyant l’Ennui

Du Paradis,

Décidant enfin de vivre parmi nous

S’était réincarné

En Renne, en Chevreuil, ou en jeune et beau Cerf,

D’aucuns allaient même bramant qu’il était né

Le divin enfant !

Trottant dès lors, de ci de là, en monstre espiègle et un peu fou,

Dans l’ombre des fourrés ou la fraîcheur de l’air

Il piétinait parfois, en broutant,

Nos parterres…

Qu’importe, on l’acceptait, il fallait vivre avec son Temps :

Tout était pardonné aux enfants et aux faons !


Quant à moi, étonné, n’ayant plus rien à faire

Ni à dire

Je crois bien que j’avais dû finir

Tristement par me taire…

Le Songeur  (17-12-2020)



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