AFBH-Éditions de Beaugies 
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Songe à ne pas oublier-IX

SOURCES ET RESSOURCES

L’eau n’est pas le seul élément-source dont ont besoin nos soifs

Je parlais récemment de ces mots-valeurs qui me captent et m’invitent à les saisir, dans l’espoir vain de percer leur mystère…

C’est le cas du mot source, dont les connotations me fascinent. Si je ferme les yeux, je vois une eau qui suinte d’une terre argileuse, et puis s’écoule, doucement et continûment, en murmurant sa joie de naître et d’exister. La source est une naissance sans fin. Elle est la vie même.

Si je consulte alors le dictionnaire, je tombe sur cette définition bien concrète : « endroit où un cours d’eau prend naissance », d’où suivra, métaphoriquement et très banalement, son sens figuré : « Lieu à partir duquel un phénomène se propage. »

Si je réfléchis un peu sur la vogue de ce terme, qui finit par passer pour la cause ou l’origine de tout ce qui se propage, je discerne alors un glissement de sens contestable. Car la source ne saurait se prendre pour une cause première, capable de se créer elle-même par génération spontanée. L’eau est toujours déjà là, sous la source qui n’en sera que le canal, derrière elle, ou au-dessus d’elle. Pluie, infiltration, nappe d’eau souterraine émergeant entre deux strates de matière imperméable, voilà ce qui produit la source. En dépit de son « éclosion », la source n’a rien d’une essence première : la source n’existe qu’en se donnant. Comme vous et moi oserai-je dire. Et elle ne donne que ce qu’elle a reçu, par averses, infiltrations, filets d’eau, veinules obscures, etc. Comme vous et moi. Chacun est source, non en ce qu’il s’auto-crée, mais en ce qu’il se donne, en transmettant ce qu’il a reçu. D’où le sain usage qu’on peut faire du mot, notamment dans la pratique des vertus morales ou de la foi humaniste.

Je me tourne alors du côté de l’étymologie.

Plus que le mot source, c’est le verbe sourdre qui est alors très parlant. « Sourdre » vient du latin surgere : surgir, jaillir. Les Romains l’emploient pour designer le caractère phénoménal de tout ce qui se dresse, se lève : le feu, le vent, la tempête, le jet de l’eau (pensons au geyser par exemple). Le verbe qualifie le surgissement bien plus que l’écoulement (cas particulier de l’eau), et le spectacle qui saute aux yeux plutôt que l’élément qui le produit. Songeons à ces autres termes dérivant de la même racine : insurgés, insurrection, et la marque d’insistance qu’apporte le préfixe « re- », pour désigner la surprise que crée ce qui ressurgit, rejaillit, ou se fait « résurgence » inattendue.

Ah, ces « retours du refoulé », lorsqu’on n’aide pas la source à se donner pour féconder la Vie !

Et nous voici parvenant peu à peu à envisager la nature de ce que produit la source : l’eau, si précieuse pour nourrir les plantes et désaltérer les vivants, bien avant les puits plus ou moins « naturels » chargés de capter les sources (ce sera la même chose pour le pétrole), d’où surgira, si j’ose dire, l’emploi du mot « ressource(s) ». La ressource, c’est toujours le produit de la source que l’on recueille et conserve, pour prévenir le risque de pénurie, la sécheresse : y compris lorsque le liquide manquant se nomme monnaie… On ne s’abstiendra pas ici de jouer sur les mots : ce que l’eau est à la source, la citerne l’est aux ressources. On y capte ce qui a jailli. Et si ce mot est souvent au pluriel, il confirme ainsi le caractère concret des éléments recueillis. Nous sommes tous des citernes de ressources. Et celles-ci, tout comme les autres, ne se révèlent et n’existent qu’en s’employant au service d’autrui.

Les ressources humaines, les vôtres, les miennes, sont comme des sources congelées, dans lesquelles il sera sage de puiser en cas de sources taries ou de surabondance en allée. Comme les choses s’enchaînent !

Vous me direz peut-être, restant sur votre faim : et alors ? Et maintenant ?

Eh bien : ressourcez-vous !

Le Songeur  (19-08-2021)




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