AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (264)

POURQUOI J’AI EU TORT DE CROIRE

Rassurez-vous, je n’entends pas me livrer aujourd’hui à une de mes vaines charges contre l’aimable religion. Mais plutôt contre une autre forme de crédulité que bien des croyants réalistes pourraient me reprocher sans réviser la leur... Qu’ai-je donc fait ?

On n’est jamais très fier de son excès de crédulité (étant entendu que toute forme de crédulité est déjà par elle-même un excès de sottise.) On ne se vante jamais d’être le nigaud victime d’un attrape nigaud. On ne s’en plaint pas non plus, puisqu’il s’ajoute au désagrément d’avoir été berné la honte de susciter le rire des autres, ces gros mâlins qui ne sont jamais en position de gros bêtas.

Et c’est pourtant c’est ce qui vient de m’arriver, moi qui aime plutôt passer pour quelqu’un qui ne se laisse pas piéger par les multiples pièges du marketing et de la publicité.

J’ai donc été berné comme un benêt. J’ai été le pigeon d’escrocs plus malicieux que moi. Non pas en cédant à quelques excès de convoitise, pulsions d’achat-plaisir ou promesses d’un investissement financier fructueux, erreurs qui vous valent souvent un châtiment que pointe un savoureux proverbe espagnol : Bien des gens vont quérir de la laine, qui reviennent tondus

Pire que cela : j’ai été puni pour avoir cru rendre service, par excès de civisme ou par vertu républicaine, toutes conduites d’autant plus répréhensibles que ridicules.

Venons au fait. Récemment, une opératrice téléphonique se réclamant d’Orange m’a contacté pour me demander de faciliter une vaste mise à jour des conditions de sécurité que les services techniques de cette noble Institution venaient d’entreprendre. Je pouvais contribuer à cette tâche de salubrité en évitant d’utiliser mon poste fixe pendant quelques heures. Simplement, je devais téléphoner à un numéro à 13 chiffres qu’on m’a dicté, et laisser ensuite mon téléphone branché pour que les techniciens puissent travailler sur la ligne.

Je n’avais aucune raison de refuser mon aide : je n’utilisais guère cette ligne, j’y serais moins dérangé par les intempestifs appels commerciaux qui nous empoisonnent, et puis l’opératrice paraissait elle-même serviable, avec un accent méridional (occitan ?) qui sentait bon le service public à la française.

La proposition ressemblait tout à fait à la demande qu’on fait à des automobilistes de ne pas utiliser un tronçon de route pendant qu’on en refait la voierie. Je servais la collectivité en permettant aux agents de renforcer la sécurité du réseau téléphonique, ses poteaux et ses lignes parfois en mauvais état, c’était même un devoir républicain pour un citoyen faisant confiance à notre « Service public », fleuron de notre État.


Après quelques heures, j’ai été averti que les travaux n’avaient pas pu être achevés le jour même. J’ai donc aussi donné mon accord pour le lendemain, puis le lundi de la semaine suivante. Je trouvais bien sûr ces travaux bien longs, quoique incapable d’en évaluer la difficulté. Je savais bien par ailleurs que les préposés aux travaux publics ne sont pas des foudres de la rapidité (par opposition, dit-on, à l’efficacité supposée des firmes privées). Et je trouvais quoi qu’il en soit rassurant qu’Orange travaille à sa propre sécurité : qu’avais-je à craindre puisque ma ligne était entre les mains des services techniques de sécurité ? Pendant tout de même une bonne semaine…

Ce que j’ignorais seulement, par évidente incompétence, et que je n'ai appris que récemment, c’est qu'on me faisait appeler à des numéros surtaxés , en Papouasie Nouvelle Guinée.ou ailleurs, ce qu'aucun des conseillers Orange à qui je m'étais adressé ne semblait savoir (ou avouer), puisque l'opérateur téléphonique ne perdait rien à cette arnaque*.

Je ne l’ai compris que trois semaines après, lorsque ma facture bimensuelle avait dépassé mille euros, en raison des appels que j’avais faits, des heures durant, à destination de l’Océanie et de l’Afrique…


Nous entrons dans un monde idyllique où il vaut mieux n’avoir plus foi en rien ni en personne. Je connais des parents qui croyaient si bien en Dieu et en ses saints prêtres, qu’ils ont, par leur vertueuse confiance, laissé ces derniers exercer leurs activités pédophiles sur leurs enfants, au nom du Seigneur.

Mieux vaut vraiment passer pour un connard en se faisant avoir de mille euros…

À vot’ bon cœur, M’ssieurs/Dames !

Le Songeur pigeon  (22-04-2021)


* A qui profitent les numéros surtaxés ? C'est le client qui, victime d'un abus de confiance, règle la facture, et c'est sans honte qu'Orange encaisse malgré tout une partie de l'argent qui a été volé à son client !



(Jeudi du Songeur suivant (265) : « MON COUP DE FOUDRE POUR L’HYPOTYPOSE » )

(Jeudi du Songeur précédent (263) : « SOMMEIL, SONGE, ÉVEIL » )