AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (218)

RETOUR AU SEPTIÈME CIEL

Un soir d’heureuse ivresse

Sur le boulevard du cimetière

J’ai programmé mon GPS

Pour m’envoyer en l’air

Il demandait : à quelle adresse ?

J’ai répondu : Rue de l’Enfer !

Mais, fit-il, l’enfer c’n’est pas en l’air !

L’Enfer, Monsieur, il est sous Terre !

Bien au-dessous même de l’eau

Qui coule sous le pont Mirabeau !

— Vraiment ? lui ai-je dit,

Eh bien, ma foi, tant pis :

Partons pour le paradis !

— À quelle adresse, Monsieur ?

— Eh bien, voyons, chez Dieu !

— Mais, reprit-il, savez-vous

Précisément où ?

— Comment ça, « où » ?

Voyons, mon bon : Dieu est partout !

Nous partîmes alors en brûlant les feux verts

De vastes avenues menant à l’Univers,

En quête de déserts,

En quête d’oasis,

Où Dieu cache, dit-on, des sommes colossales

Que le Vatican place au Paradis fiscal.

Mais ce n’était pas rien de monter jusqu’aux nues,

La Toto toussotait dans le gris clair obscur blanc

Du vide

D’où parfois surgissaient des sphères inconnues…

Puis grimpait en glissant sur l’asphalte ascendant

De lacets enroulés au fil du firmament

Si bien que forcément

Le spectacle bientôt se fit si renversant

Que l’astronef se retrouva K.O

Sur le dos,

Tel un coléoptère agité dont les pattes

Vainement dans l’espace et dans l’air se débattent !

Et moi, en m’allongeant

Immensément

Dans les draps luxueux des couleurs du couchant

Je songeais en bâillant

Qu’il suffit tout à coup d’être tête à l’envers

Pour deviner enfin le Sens de l’Univers,

Où les poètes en rêvassant

Aujourd’hui comme hier

Demain comme naguère

Errent

C’est alors que l’astronome Prévert

Déclara en riant : « De deux choses l’une,

L’autre c’est le soleil »,

Cependant qu’Aragon titubant de sommeil

En contemplant Elsa cherchait en vain la « lune »

Tandis que le génial et modeste Magritte,

Bourré plus encore que sa pipe,

Peignait en pleine Voie lactée

Dieu trônant sur la clef de la voûte étoilée


Des audacieux cherchaient quelques chemins de fer

Menant vers les astres de feu,

Puis embarqués sur des quais imaginaires

Déraillaient dans l’air bleu,

Non sans fulminer contre le chef de Gare,

Lequel étonnamment faisait grève par hasard

Refusant de souscrire à l’ignoble dessein

De quadriller sans fin nos destins

Le Ciel ouvert

De l’univers

Voile et dévoile

Au petit être humain

Le mystérieux et long chemin,

De son étoile.

C’est alors qu’émergeant hors d’haleine

De l’Océan des Cieux aux rivages effacés,

On entendit soudain crier une baleine :

C’est assez !

Et les mots en valsant

Riaient dans le vent,

Et les mots délirants,

Prétendaient en rêvant

Nostalgiquement

Revenir en avant

Pour refaire le Temps

Vienne la Nuit sonne l’Heure

Le Rêve demeure

Le Rêve

Qui jamais

Grève

Ne fait

Le Songeur  (21-11-2019)



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